Chapiteau monumental du Gandhāra

Schiste
Ancienne province du Gandhāra
IIIe-IVe siècle
H. 20 cm ; L. 89 cm

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Description

Un héritage hellénistique indéniable

Cette sculpture monumentale est un impressionnant chapiteau Indo-corinthien, terme montrant toute l’influence de l’art gréco-romain sur la production artistique du Gandhāra. La partie plane moulurée – l’abaque – est joliment ornée de deux lotus ouverts figurés sur les angles et issus de tiges ondulées. Sous cet abaque, deux grandes feuilles d’acanthe aux extrémités bien découpées et aux nervures délicates s’épanouissent sous de larges volutes finement ornées de rinceaux végétaux. Ce magnifique décor floral et végétal se distingue pour son incroyable raffinement.

Le bodhisattva : un être spirituel de première importance

D’autres feuilles d’acanthe, plus petites, viennent envelopper au centre un bodhisattva figuré en buste et forment comme un dais au-dessus de lui. D’une taille tout à fait significative, ce bodhisattva s’inscrit dans l’iconographie gandhārienne qui accorde une grande place à ces êtres spirituels « promis à l’Éveil », état spécifique des Buddha historiques avant leur « Illumination ». Ils sont représentés comme des figures royales parce que le Buddha lui-même était un prince avant de renoncer à cette vie et d’atteindre enfin l’Éveil. Ils ne peuvent rétrograder dans le cycle des réincarnations, prenant en compassion les créatures qui peuplent le monde phénoménal et ne voulant obtenir qu’avec eux la libération du cycle causal. Esquissant ici de sa main droite le geste d’absence de crainte (abhaya mudrā), ce bodhisattva tient peut-être un pan de son vêtement de son autre main. Comme le Buddha, il possède une touffe de poil (ūrṇā) entre les arcades sourcilières et l’uṣṇīṣa, protubérance crânienne incorporée dans son chignon : deux symboles de son omniscience. Somptueux bijoux et drapés confèrent aux bodhisattva du Gandhāra une allure princière, dans le style des princes Kushan contemporains. Ces princes, qui régnaient à cette époque sur ce royaume, contribuaient par leurs donations aux monastères bouddhiques. Tel un prince donc, ce bodhisattva porte la moustache et est vêtu à l’indienne avec un drapé lui couvrant l’épaule gauche tandis que l’autre est laissée nue. Il est paré de précieux bijoux indiens caractéristiques : premier collier articulé large et plat, second collier plus long fermé par un riche pectoral, lourds pendant d’oreilles, et bracelets au bras et au poignet. Il faut en outre noter le remarquable soin apporté à la réalisation des traits de son visage et de sa chevelure bouclée.

Une œuvre à la fonction architectonique

Les monastères du Gandhāra accolaient deux types d’espaces : des cours accessibles aux dévots encombrées de toutes sortes de monuments ex-voto, tels des tumulus-reliquaires (stūpa) et des chapelles, et au-delà une clôture réservée aux seuls moines. Dans les parties publiques, les entourages de porte ou de niches pouvaient prendre la forme de pilastres, surmontés de chapiteaux corinthiens ou composites. Ces éléments architecturaux se retrouvent également en miniature sur les nombreux reliefs gandhārien, juxtaposant motifs décoratifs et scènes narratives apologétiques, et dans lesquels ils séparent les différentes scènes et scandent l’espace. Ici, sur le dessus de notre chapiteau, des mortaises indiquent qu’il devait être fixé sous un élément supérieur, et l’on peut imaginer qu’il était encastré dans la maçonnerie, surmontant une colonne engagée dans un mur.

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