Yama

Grès
Inde, Rajasthan ou Uttar Pradesh
Circa XIIe siècle
H. 81 cm ou 32 in

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Description

Une figure rare, celle du Dieu des Morts

Yama, Dieu des Morts, se tient ici dans une élégante posture de triple flexion ou tribhanga. Il porte un long dhotī maintenu à la taille par une ceinture à festons ornée de perles, ainsi que le cordon brahmanique qui barre son torse. Le dieu est paré de nombreux bijoux : colliers, bracelets et boucles d’oreilles. Son visage, barbu, est remarquable par ses yeux en amandes et on notera sa coiffure : un haut chignon maintenu par une tiare richement parée se découpant devant un nimbe festonné. Le format de l’œuvre ne manquera pas de nous impressionner, tant les œuvres représentant le Dieu des Morts sont désormais plus rares sur le marché et leur état de conservation souvent de moins bonne qualité que celui de cette remarquable stèle. L’œuvre figure un univers des mondes infra-terrestres foisonnant de personnages et animaux, formant un réseau symbolique d’une grande complexité, précieux témoins de l’apogée de la statuaire médiévale indienne du Centre-Nord de l’Inde.

Antique divinité aryenne et protecteur des temples

Yama est entouré de divers assistants, de bêtes mythiques et d’apsaras. Cette antique divinité, probablement d’origine aryenne, comme en atteste le nimbe festonné qui le couronne, préside le tribunal des morts (Vicharabhu). Il est aidé dans sa tâche par Chitragupta qui lui présente la liste des actions des défunts et il rend justice par le bâton des morts couronné d’un crâne (khaṭvāṅga ou yamadaṇḍa), attribut encore visible de manière fragmentaire dans l’une de ses mains gauches. De ses autres mains, le dieu tenait sans nul doute un lasso (paśu), servant à piéger les âmes, une hache et un poignard. À la base de la stèle, deux dévots entourent la monture du dieu, un buffle, et le prient. Associée aux déités issues des Rig-Veda (Ṛgveda), la barbe symbolise cette antériorité et assimile Yama aux plus anciennes divinités du corpus védique. Yama compte parmi les gardiens de l’espace ou Aṣṭadikpāla. Au nombre de huit, ces divinités protectrices président aux points cardinaux et inter-cardinaux de l’édifice religieux, nichés sur les parois extérieures des temples où les pèlerins leurs rendent hommage lors de la circumambulation.

Un remarquable témoin des évolutions statuaires de l’Inde du Centre-Nord

Au XIe siècle en Inde, les dynasties vassales de l’empire des Gurjara-Pratihāra prennent leur indépendance avec le pouvoir central. C’est probablement à cette occasion et sur l’un de ces nombreux chantiers initiés par les dynasties Candella, Gujara, Paramara ou Kalachuri que notre stèle voit le jour. Stylistiquement proche des canons de la statuaire du Rājasthān de l’Est, cette sculpture de Yama est caractérisée par une superbe souplesse du corps, emblématique des plus belles réalisations de l’art médiéval. Le traitement du visage et la joaillerie, ainsi que la remarquable sensualité du modelé se retrouvent sur des œuvres originaires du nord de l’Uttar Pradesh de l’époque médiévale, par exemple à Khajurāho (IXe-XIe siècle).

Provenance : Collection privée, Angleterre, depuis les années 80.

Collection privée, France, acquise chez Christie’s New York, 21 septembre 2007, lot 82.

Art Loss Register Certificate, ref. S00090106

  • Amina Okada, Sculptures indiennes du Musée Guimet, p. 189-191.
  • Pratapaditya Pal, Indian Sculpture, Los Angeles County Museum of Art, p. 288-289.