Maṅjuśrī sous son aspect Dharmadhātu Vāgīsvara

Grès
Népal, vallée de Kāthmāndu
XVIIe siècle. Époque du Malla récent (1482-1768 / 69).
H. 32 cm

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Description

Le glaive (khaḍga) et le livre (pustaka) du Prajṅāpāramitā sūtra brandis dans la quatrième paire de mains permettent sans conteste d’identifier cette divinité comme Maṅjuśrī. Néanmoins son aspect complexe, à trois faces et huit bras, paraît propre au bouddhisme ésotérique népalais. Tel quel, il est en effet absent des textes sanskrits dépouillés par Marie-Thérèse de Mallmann (1975) et des panthéons tibétains reproduits par Lokesh Chandra (1991). Ainsi la première main droite élevée à la hauteur de la poitrine tient le foudre-diamant (vajra) et la gauche, tenant la clochette (ghaṇṭā), repose sur la cuisse à la manière du buddha suprême Vajrasattva. Divers attributs caractérisent les deux autres paires de mains : objet indistinct, peut être un croc à éléphant (aṅkuśa), et lasso (pāśa), flèche (bāṇa) et arc (cāpa).

Dans l’hypothèse où la déité ici représentée possèderait quatre visages, la face arrière n’étant pas représentée car cachée, et sans tenir compte de l’ordre des attributs, on pourrait identifier la forme de Maṅjuśrī ici commentée comme Dharmadhātu Vāgīsvara, « souverain » du plus important maṇḍala du bouddhisme ésotérique newar (Mallmann, 1975, p. 255). La Niṣpannayogāvalī nomme cet aspect par deux fois Maṅjughoṣa mais cette iconographie complexe ne serait être confondue avec la forme canonique appelée Maṅjughoṣa selon laquelle Maṅjuśrī, sous l’aspect d’un jeune garçon paré, à une face et deux bras, est assis sur un trône dans l’attitude d’aisance royale (Mallamnn, 1975, p. 252 et 255).

L’œuvre est caractéristique de la statuaire du Malla récent, appelée également période des trois royaumes, la vallée étant partagée entre trois états rivaux : Bhātgaon (Bhaktapur), Kāthmāndu et Patan. En l’absence d’inscription, il est difficile de donner une date précise dans la production pléthorique et de qualité très variée de cette période. La pièce n’est pas sans présenter une certaine analogie avec une Tārā de cuivre datée 1644 et reproduite par Ulrich von Schroeder (1981, p. 383, n° 103 D), en particulier dans le traitement des larges fleurs épanouies du collier et le modelé des pétales du lotus de siège divin. D’autres éléments sont habituels aux XVIIe et XVIIIe siècle telle la multiplication des bordures ouvragées, ici pétales de lotus et rangée de perles. Ces deux motifs sont répétés sur la limite de l’auréole. Quant aux plis de l’écharpe sur le bras droit, ils trahissent une discrète influence chinoise, habituelle à l’époque.

Outre la rareté de son iconographie, l’amateur appréciera le modelé délicat du torse du personnage et la solennité de son attitude, auquel participe le contraste entre le torse immobile et l’impression d’agitation fournie par les bras secondaires.

Provenance : Collection privée, Belgique, depuis les années 80.

  • Mallmann, Merie-Thérèse, Introduction à l’iconographie du tântrisme bouddhique. Paris : Librairie Adrien-Maisonneuve, 1975 (Bibliothèque de Centre de Recherches sur l’Asie centrale et la Haute Asie, vol. 1).
  • Schroeder, Ulrich von, Indo-Tibetan Bronzes. Hong Kong : Visual Dharma Publications Ltd, 1981.