Le Buddha Śākyamuni

Pierre noire
Inde du Nord-Est (Bihār, Bengale).
Circa Xe siècle. Dynastie Pāla (VIIIe-XIIe siècle)
H. 69 cm

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Description

Le Bienheureux, traité en taille héroïque, se tient debout au milieu de la stèle. De la main droite, il répand ses faveurs (varadamudrā). La main gauche, ramenée à hauteur du bras, retient un pan de la robe monastique (saṃghāṭī), appelée également « vêtement de dessus » (uttarāsanga). Parmi les marques distinctives (lakṣaṇa) du « grand homme » (mahāpuruṣa), la tradition ne conservera dans les représentations que les deux essentielles, ici bien visibles : l’excroissance de la fontanelle (uṣṇīṣa) et la touffe de poils dans le bas du front (ūrṇā). Les lobes des oreilles, distendus par le port de lourds ornements orfévrés, témoignent de son renoncement aux vanités de son ancienne vie mondaine. Le visage est cerné par une triple auréole.

Deux assistants l’accompagnent. Leur identification pose problème. Le personnage de gauche porte une coiffure élaborée qui permettrait de l’identifier comme un personnage royal. Ses riches parures interdisent de le reconnaître comme un disciple du Buddha. Le vêtement du personnage de droite par contre le désigne comme faisant partie de la communauté monastique. De tels buddhas debout font parfois allusion à la descente de Śākyamuni du Ciel des Trente Trois Dieux (Trāyastriṃśa), à Vaiśālī, où il avait été prêché à sa mère. Lors de cet évènement, le Bienheureux fut accompagné du roi des dieux, Indra, et de Brahmā. L’assistant de droite ne possède pas les trois chefs de cette divinité et permet donc de rejeter cette double identification. Il serait plus plausible d’évoquer deux autres personnages liés à cet épisode qui l’accueillirent en bas du triple escalier magique : Ūdāyana, le roi de Kauśāmbī, et la nonne Upalavarṇā.

C’est dans cette perspective qu’il faut peut-être interpréter les deux tumulus reliquaires (stūpa) qui parfois, dans l’iconographie pāla, indique un lieu de pèlerinage ou un sanctuaire fameux, ici donc Śāṅkāśya, le lieu du miracle de la descente, géographiquement situé beaucoup plus à l’ouest que les sites ayant trait à la vie de Śākyamuni.

Sur le socle, on aperçoit un petit personnage féminin agenouillé que l’on serait tenté d’identifier comme un donateur. Elle porte un serpent, attribut difficilement explicable.

En bas à gauche de la sculpture et continuant à travers les pétales de lotus, une inscription peut être transcrite et traduite comme suit :

Ve dharma hetu prabhayā hetun
Teṣāmtathāgato hyavadat
Teṣām ca yo nirodha
Evam vadi mahāśrama

Tous les phénomènes surgissent des causes
Ces causes ont été enseignées par le Tathāgata
Et leur cessation aussi a été proclamée par le Grand Śramaṇa

Stylistiquement, la stèle paraît antérieure à la stylisation appuyée qui caractérise l’art pāla à partir du XIe siècle. Le visage allongé, aux lèvres pulpeuses et aux yeux un peu globuleux renvoient à l’art post-gupta des VIIe-VIIIe siècle, et au-delà au grand art classique indien des Ve-VIe siècle. Le corps du Bouddha est subtilement animé par un très léger déhanchement et par le discret mouvement de la jambe gauche. Un vent mystique colle les fines étoffes des vêtements sur le corps asexué en un délicat « drapé mouillé ». A la hauteur des chevilles, le vêtement de dessous (antaravāsaka) est bien visible en dessous de l’uttarāsanga.

 

Provenance : L’œuvre provient de la fameuse collection de George P. Bickford de Cleveland dans les années soixante.

 

P630 Dossier détaillé FR