Tête de Buddha

Schiste
Ancienne région du Gandhāra (nord du Pakistan)
IIIe-IVe siècle
H. 21 cm

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Description

La vallée du Gandhāra et les larges territoires environnants ont vu le développement d’un art original, largement inspiré des arts hellénistico-romain et parthe, au service des religions indiennes, presque exclusivement du bouddhisme. Il convient à propos de ses origines d’évoquer le périple d’Alexandre le Grand en Asie centrale jusqu’aux confins indiens (330-326) et la fondation de colonies grecques telle Aï-Khanum sur l’Oxus (Amu Daria), aujourd’hui à la frontière afghano-tadjike. Le commerce caravanier développa les influences occidentales même si la genèse de l’art synthétique de ces régions conserve des points obscurs. Son aire d’expansion fut considérable, des républiques musulmanes d’Asie centrale jusqu’au nord du Pakistan. De nombreux styles régionaux voisinent. Les témoignages du Ier siècle avant J.-C. restent rares et peu aboutis. L’apogée de cet art appelé autrefois improprement mais d’une manière imagée « art gréco-bouddhique », date des IIe et IIIe siècle de notre ère. De belles créations se succèdent cependant jusqu’à l’arrivée de l’Islam dont la date d’introduction est variable en fonction des régions.

Sur la tête ici commentée, les deux signes de bouddhéité sont particulièrement bien explicités : la petite touffe de poils dans le bas du front (ūrṇā) représentée comme le plus souvent par un petit disque en faible relief et, au sommet du crâne, l’excroissance de la fontanelle (uṣṇīṣa) ici dissimulée par des mèches de cheveux, ramassées et retombant à la manière d’un chignon. Cette uṣṇīṣa, large et relativement plate, se retrouve sur un Buddha prêchant, autrefois à la galerie Loo (Saunders, 1985, pl. XII). Les mèches qui le couvrent, retombant sur elle mêmes et n’étant pas réunies en toupet, peuvent être comparée à celles d’une tête du musée de Kabul (Darbois-Tissot, 2002, p. 91).

Les oreilles aux lobes percés et distendus par le port de lourds ornements attestent de l’ancienne condition princière du Bienheureux. Les yeux mi-clos laissent pressentir l’intensité de sa méditation.

La bouche à l’expression particulière que l’on pourrait à tort interprétée comme dédaigneuse, se retrouve sur deux têtes du British Museum (Inv. n° OA 1929. 11-4.2 et OA 1902. 5-20.3. Zwalf, 1996, Vol. 2, p. 32 et 33, fig. 39 et 40). L’aspect légèrement poupin du visage trahit peut-être une influence de l’Inde gupta (IVe-VIe siècles) et inciterait à placer cette tête au IVe siècle.

L’œuvre possède un poli particulièrement soigné qui permet de la rattacher à une production purement gandhârienne. La couleur noire de la pierre et son poli parfait ne sont pas sans évoquer certaines statues romaines de l’Antiquité tardive. Ces caractéristiques se retrouvent sur une tête provenant de Sahri Bahlol et conservée au musée de Lahore (inv. n° PM 2860. Cambon, 2010, p. 141, n° 68), une autre récemment présente dans le commerce britannique (Ray, 2014, n°1) et une autre au musée Norton Simon de Pasadena (Pal, 2003, p. 52 n° 20).

Provenance : Collection privée, acquise chez Hartman Rare Art, NY, 1984.

Art Loss Register Certificate, ref. S0010696.

  • Cambon Pierre et alii, Pakistan Terre de rencontre Ier – VIe siècle. Les arts du Gandhara. Paris : RMN, 2010.
  • Darbois, Dominique–Tissot, Francine, Kaboul le passé confisqué. Paris : Paris musées –Suilly la Tour : Ed. Findakly, 2002.
  • Saunders, Ernest Dale, Mudras. Princeton : princeton University Press, 1985.
  • Pal, Pratapaditya, Asian Art at Norton Simon Museum. Yale: Yale University Press, Vol. 1, 2003.
  • Zwalf, Wladimir, A catalogue of the Gandhāra Sculpture in the British Museum (2 vol.). Londres: British Museum Press, 1996.