La reconnaissance de Buddha
Schiste
Ancienne région du Gandhāra
IIe-IIIe siècle
D. 36 x 60 cm
Description
Ce bas-relief en schiste du Gandhāra représente un épisode fondateur de la vie du Bouddha : les premières offrandes reçues après son Éveil. La scène s’organise autour de la figure centrale du Buddha Śākyamuni, représenté debout, auréolé, vêtu de la robe monastique dont les plis souples et réguliers rappellent les drapés gréco-romains. Sa posture hiératique traduit l’assurance de l’Éveillé, tandis que son geste de la main droite (probablement une variante de l’abhaya-mudrā, geste de protection et de bénédiction) renforce sa stature spirituelle et son rôle d’enseignant.
À gauche du Bouddha se tient Brahmā, reconnaissable à son visage barbu et à sa haute coiffure cylindrique (jātāmukuṭa). Vêtu d’un ample drapé, il adopte une attitude de recueillement, légèrement incliné vers le Maître. Sa barbe, rare dans l’art bouddhique, lui confère une apparence de sagesse et de gravité, renforçant son rôle de dieu créateur et de figure sacerdotale.
Sous Brahmā, se distingue la figure imposante d’Indra (Śakra). Le dieu est représenté avec un corps vigoureux, musclé, suivant un modèle inspiré de l’Héraclès gréco-romain : torse puissant, épaules larges, attitude d’une héroïcité calme. Dans sa main, il tient son attribut distinctif, le vajra, arme de foudre, qui permet de l’identifier sans ambiguïté. Son iconographie résume à elle seule le syncrétisme de l’art gandhārien : emprunt du canon corporel classique méditerranéen pour incarner une divinité indienne, intégrée dans un récit bouddhique.
À gauche, un groupe de moines et de disciples se presse pour rendre hommage au Maître. Certains tiennent des bols d’aumône et des objets rituels, d’autres joignent les mains en signe de respect (añjali-mudrā). L’ensemble illustre la communauté monastique (saṅgha) rassemblée autour du Buddha.
En arrière-plan, un grand arbre au feuillage stylisé occupe une place importante dans la composition. À l’intérieur de ses branches apparaît une petite figure féminine, probablement une yakṣī (divinité végétale tutélaire), incarnation de la fertilité et protectrice de l’arbre. Cet élément naturaliste ancre la scène dans le cadre sacré de l’arbre de la Bodhi, sous lequel le Buddha atteignit l’Illumination.
Ce relief dépasse la simple représentation d’une offrande : il met en image la légitimation cosmique du Bouddha. Le fait que Brahmā, dieu créateur, et Indra, roi des dieux et maître de la foudre, se prosternent et lui rendent hommage, traduit la supériorité de la sagesse bouddhique sur les lois divines elles-mêmes. L’image affirme visuellement la primauté du Dharma comme vérité universelle.
En outre, cette scène devait avoir une forte fonction dévotionnelle : intégrée à l’ornement d’un stupa, elle rappelait aux fidèles que le Bouddha, reconnu par les dieux eux-mêmes, avait accepté d’enseigner, garantissant ainsi la transmission de la vérité à l’humanité.
Provenance : Collection privée, Japon, avant 1972.